Concours Dataconnexions#4 : entretien avec Frédéric Mazzella, président du jury
Pour cette 4e édition du concours Dataconnexions, invitant les startups à présenter leur projet s’appuyant sur l’ouverture de données publiques, Frédéric Mazzella, Fondateur du service de co-voiturage en ligne BlaBlaCar, a pris la présidence. Il revient pour nous sur l’importance du digital pour développer de nouveaux services et l’apport de l’open data.
1. Frédéric Mazzella, votre startup BlaBlaCar est ancrée dans le numérique, parlez-nous de l’importance du digital dans le développement d’un service de co-voiturage
F.M : Techniquement le Covoiturage repose sur des Données et de la Connectivité. Avec plus de 5 millions de membres dans le réseau BlaBlaCar Europe et plus d’un million de voyageurs chaque mois, le covoiturage n’a pu se développer que grâce au digital (la capacité de traiter de grandes quantités de données rapidement), et grâce à internet (la connectivité).
Le digital est indispensable au développement du covoiturage à grande échelle car les quantités d’informations à traiter sont colossales : collecter et distribuer à tout instant l’information sur les places disponibles dans des millions de voitures de particuliers circulant partout, et dans toutes les directions. Au-delà de ce métier d’agrégateur d’information de “sièges disponibles”, la précision et la quantité des informations nécessaires aux voyageurs pour faire leur choix nous demande de nous appuyer sur d’autres sources de données elles aussi colossales, afin de pouvoir donner précisément les informations sur les lieux de départ ou d’arrivée des trajets possibles.
Internet (ou la connectivité temps réel) est également indispensable au covoiturage pour la simple raison que la collecte et la restitution des informations doivent aller très vite. L’usage accru des téléphones mobile renforce cette nécessité de rapidité de circulation et traitement des informations. Le covoiturage est un “service de mobilité”, et il trouve donc toute sa pertinence sur smartphones.
2. Vous prenez la présidence de cette 4e édition de Dataconnexions, que pensez-vous de l’open data comme moteur de développement des jeunes pousses françaises ?
F.M : La construction d’une structure permettant d’héberger des données comme Etalab dont le concours Dataconnexions est issu, est le résultat de la volonté de développer un écosystème autour des données. L’open data est donc une “nouvelle matière première” dont les générations futures vont pouvoir se servir. Les développeurs et innovateurs de tous horizons vont pouvoir se nourrir de l’open data pour faire naître de nouvelles applications et services. L’open data est aussi un fort moteur de développement, et une grande chance pour les startups futures et pour l’innovation en général, en France comme ailleurs. Au-delà des innovateurs et jeunes pousses, ces données seront aussi utiles aux administrations et collectivités locales elles-mêmes, qui n’avaient pas forcément déjà accès à ces données potentiellement produites par d’autres administrations.
3. Pour vous, quelle est l’importance de l’open data dans le paysage économique actuel ?
F.M : L’open data peut amener croissance et engagement. L’arrivée d’une nouvelle et forte tendance comme l’open data est une potentielle gigantesque bouffée d’air pour la croissance et la création de valeur, et aussi pour l’optimisation de processus anciens, obsolètes, chers ou inefficaces.
L’important dans cette démarche d’open data est de rendre accessibles la production et l’utilisation des données au plus grand nombre d’acteurs. Il s’agit donc de simplifier les échanges et de standardiser intelligemment les modèles de données, de manière flexible. Cela amènera un meilleur engagement de la communauté, et cet engagement est le gage de réussite et de croissance de tout l’écosystème.
4.Que pensez-vous d’une initiative comme celle du concours Dataconnexions, et plus généralement de l’ouverture des données publiques ?
F.M : L’ouverture des données publiques incite à une transparence de gouvernance des élus, et amène un engagement citoyen. C’est un changement de culture et de gouvernance qui s’annonce. L’open data et le concours Dataconnexions en particulier, sont une excellente occasion pour tous les organismes publics de gouvernance d’améliorer leur image et la perception des citoyens pour la politique. En permettant l’accès à des données factuelles sur l’efficacité et la réalité des mesures politiques mises en place, l’open data permet de passer de l’intuition à l’analyse, de l’idée politique à la réalité économique et sociale. L’accès aux données permet une réflexion saine et non partisane, qui pousse au pragmatisme et à la transparence et améliore les décisions et les anticipations, et donc l’adhésion des citoyens.
L’ouverture des données publiques est aussi un excellent moyen de responsabiliser les citoyens, car l’ouverture est un processus à double sens : lorsque l’on s’ouvre à quelqu’un, l’autre nous le renvoie. Je pense qu’il est donc important de féliciter Etalab dans la démarche entreprise car cela constitue le premier pas qui incite les organismes disposant de données “publiques” à les partager, pour qu’ensuite en retour nos concitoyens puissent rendre de la valeur par leur engagement et par l’analyse et l’utilisation de ces données, pour les transformer en services à valeur ajoutées ou bien en outils d’aide à la décision collective.
L’ouverture des données publiques est en fait une démarche de l’offre, que l’on retrouve souvent (à une moindre échelle) dans la création de nouveaux produitss. Le moteur de tout l’écosystème sera l’engagement de la communauté, et sa responsabilisation par rapport à la manière de traiter cette nouvelle matière première.
5. Quel message souhaitez-vous adresser aux candidats de Dataconnexions ?
F.M : Merci tout d’abord aux candidats de cette année pour avoir imaginé et souvent initié des services très innovants sur la base des nouvelles données accessibles. Nous avons reçu 63 dossiers de candidature cette année, soit 2 fois plus que pour l’édition précédente. C’est le signe que le mouvement est lancé, et que l’open data s’impose déjà comme une tendance forte parmi les startups.
Pour les futurs candidats lors des prochaines éditions, je conseillerais de penser usage avant de penser données. Les opportunités autour de l’open data sont innombrables, c’est un domaine encore quasi vierge dans lequel de nombreuses startups vont s’engouffrer dans les années à venir. Cependant ce contexte pousse à la vigilance, car il sera très facile de produire des applications ou services qui ne servent à rien… C’est pourquoi je conseille à tous les prochains candidats de partir d’une idée d’usage, puis de rechercher si des nouvelles données peuvent permettre de servir cet usage.
Il faut donc conseiller aux candidats des prochaines éditions de se focaliser sur des projets concrets, actionnables et durables, des projets pour lesquels l’usage et l’utilité ne seraient pas remis en question.