[Dataconnexions] Open Food Facts : un projet citoyen qui sert aussi la science


Lauréat de la 4e édition du concours Dataconnexions, la base de données sur les produits alimentaires Open Food Facts s’est beaucoup enrichie grâce aux contributions d’une armée de contributeurs bénévoles. Ses données, partagées sur data.gouv.fr, constituent un matériau précieux pour les chercheurs. Rencontre avec Stéphane Gigandet, à l’initiative du projet.

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Open Food Facts grandit et s’apprête à faire des petits. Cette base de données, ouverte et collaborative , répertorie les ingrédients, allergènes et compositions nutritionnelles des produits alimentaires. Avec l’application smartphone du même nom, il suffit de scanner le produit pour obtenir toutes ces informations. Stéphane Gigandet, à l’initiative du projet, compte appliquer la même recette aux cosmétiques, aux compléments alimentaires et aux médicaments. Les consommateurs seront invités à enrichir des référentiels en photographiant les produits, les étiquettes et les codes-barres depuis leur téléphone portable. L’aventure Open Food Facts se poursuit, alors que se profile la finale de Dataconnexions 6, le 2 février prochain à Toulouse.

Comment s’est développé le projet au cours des deux dernières années, depuis votre prix reçu à Dataconnexions ?

Stéphane Gigandet. La communauté Open Food Facts s’est agrandie. Elle compte désormais près de 2 000 contributeurs et référence 44 000 produits, contre quelques centaines à nos débuts en 2012. Le prix Dataconnexions nous a bien aidés, apportant de la visibilité et de la crédibilité. Nous le mettons systématiquement en avant dans les dossiers de candidature que nous avons déposés, par exemple pour Google Impact Challenge et un concours britannique semblable à Dataconnexions, où nous avons été finalistes.

Ce prix a aussi eu le mérite de susciter l’intérêt de chercheurs qui s’appuient sur nos données, publiées sur data.gouv.fr, pour mener leurs travaux. Nous travaillons ainsi avec le Programme national nutrition santé qui, en retour, nous a transmis sa formule de calcul des scores nutritionnels matérialisées par des pastilles de couleurs étiquetées A, B, C, D, E. C’est notre manière de contribuer à la « science citoyenne ». L’open data ne se résume pas aux données de l’État et des collectivités, nous raisonnons données d’intérêt public, ce qui inclut également celles produites par les entreprises et tout un chacun. Open Food Facts est un projet citoyen et il le restera. Nous nous sommes d’ailleurs organisés l’année dernière en association de loi 1901 à but non lucratif.

Pensiez-vous intéresser un public aussi varié, y compris scientifique, à vos débuts ?

SG. C’était l’une de nos ambitions. Dès le départ, nous avions imaginé que les données collectées servent à des fins scientifiques, en vue d’établir des corrélations, voire des relations de causalité, entre les aliments consommés dans des régions du monde et la prévalence du diabète ou de l’obésité par exemple. En même temps que nous construisions la base, nous avons pensé d’emblée réutilisation des données et lancé de mini-applications, comme le jeu en ligne « Combien de sucres ?  ».

Sur ce même thème, le ministère de la Santé britannique vient de lancer une grande campagne de sensibilisation baptisée Sugar Smart. Le consommateur scanne un produit depuis une application mobile et obtient en retour la quantité de sucres qu’il contient. Nous allons contacter cette administration pour lui proposer notre base qui contient déjà 3 000 références locales. L’un de nos défis, auquel nous avons commencé à répondre, vise à donner une dimension plus internationale au projet.

###Vous suivez d’autres pistes d’évolution ?

SG. Oui, elles sont nombreuses. Nous cherchons à retracer de manière simple l’évolution de la composition d’un même produit au fil du temps. Pour certains d’entre eux, nous disposons d’un historique de trois ans. C’est une mine d’informations qui peut être mise à profit pour vérifier les discours des industriels concernant la diminution des taux de sucre, sel, etc.

Dans un autre registre, nous mettons à profit les avancées technologiques. Demain, en filmant un rayon d’un magasin avec son téléphone portable, le consommateur récupérera automatiquement les notes nutritionnelles de tous les produits exposés. Nous savons déjà le faire produit par produit. Notre application mobile analyse en temps réel l’image affichée à l’écran, sans avoir besoin de prendre une photo, la compare avec une base d’empreintes et affiche le score nutritionnel. Aucune connexion à Internet n’est requise, tout est embarqué dans l’application mobile. Quantité d’autres informations pourraient être collectées et rapprochées. En matière d’alimentation, il me semble légitime de savoir comment les produits sont fabriqués, avec quels ingrédients, dans quels lieux… Avec davantage de transparence, chacun se porterait mieux !